Illustration d'une femme épuisée, dans le noir, le bras posé sur une table avec des objets alignés vs le chaos

Le burn-out autistique, en quelques mots, c’est comme un shutdown complet de longue durée. Il fait souvent suite à une surcharge du système sensoriel, émotionnel ou cognitif et résulte habituellement d’une compensation (masking social) extrême qui a dépassé les seuils de tolérance de la personne autiste. Le masking est un travail constant et quotidien, qui se met en place dès que la personne se retrouve en interaction ou exposée en public.

Les rares études sur le burn-out autistique estiment la durée d’un burn-out autistique à 3 mois en moyenne (National Austistic Society). Cependant, chaque personne autiste est différente et chaque burn-out est différent. Il peut ainsi être plus court ou s’étaler sur plusieurs années, notamment si les facteurs déclencheurs persistent. Il faut comprendre qu’il s’agit d’une sorte de crise massive due à une accumulation de diverses charges très pesantes sur la personne autiste.

📋 TL;DR : Le burn-out autistique en bref

  • Effondrement après surcharge + masking prolongé.
  • Plus « je veux mais je ne peux pas » que « je ne veux plus ».
  • S’effondrent : énergie, fonctions exécutives, tolérance sensorielle.
  • Ce n’est ni de la fainéantise ni un manque de volonté.
  • Solution : repos profond, réduction des stimuli, ajuster les attentes.

Mon premier burn-out autistique

J’ai vécu mon premier burn-out autistique à 25 ans, quelques mois avant que mon diagnostic de TSA ne soit posé. Il a en fait participé à cette conclusion, après avoir écarté l’hypothèse d’une dépression (dont je connais bien les symptômes, qui sont différents). Après une longue période de sociabilisation intense pour élargir mon cercle social (car je pensais que c’était nécessaire pour espérer avoir un jour une relation de couple (quand je pensais que j’en voulais une alors que ce n’était que des attentes sociales)), j’ai subitement planté. De dormir 10 heures minimum par jour pour me remettre d’une sortie à l’extérieur, je suis passé à 16 heures de sommeil quotidien, alors même que je restais enfermé chez moi, les volets baissés pour éliminer les nuisances lumineuses.

J’étais alors dans l’incompréhension la plus totale et c’est là que j’ai fini par tomber sur, à l’époque, le syndrome d’Asperger, puis rapidement, le TSA dans sa globalité. Au fil de mes recherches, je me suis penché sur ce fameux burn-out et ai commencé à penser que j’en étais peut-être victime. Je prenais le tout avec d’énormes pincettes : j’en parlais à mon entourage mais émettais systématiquement un doute sur le sujet (des années après le diagnostic, je maintiens encore ce doute pour des raisons que j’évoquerai dans un prochain article).

De facto, je n’étais pas encore diagnostiqué et ne me sentais pas légitime à me prévaloir de la condition. Même avec mon amie autiste que j’ai rencontrée lors de discussions sur un groupe de personnes autistes, je ressentais parfois le besoin de mettre au clair l’importance de considérer mon éventuel autisme qui n’était pas confirmé.

Toutefois, les preuves affluaient. Le burn-out brutal se manifestait comme un cahier des charges de cet état d’effondrement que je lisais dans tous les articles.

Les symptômes du burn-out autistique

Le premier signe qui m’a marqué, ce fut l’intensification de mes hypersensibilités sensorielles, sans précédent. Toutes mes stratégies de compensation devaient être revisitées. Un ami m’a même rappelé récemment que pendant cette intense crise, je l’avais une fois rencontré dans un bar en gardant mon casque à réduction de bruit active recouvrant mes oreilles, rendant la discussion difficile mais nécessaire pour moi à défaut de rester chez moi. C’était déjà un effort d’aller à son encontre dans un bar, j’ai donc dû œuvrer pour me protéger du chaos sensoriel.

Femme avec casque audio pour se protéger du chaos sensoriel panneau lumineux, bruits, voix
Chaos sensoriel de nuit dans Times Square

La lumière

Le chaos, c’est le terme. Pendant ce burn-out, j’étais aveuglé par le moindre rayon de soleil, le moindre néon au point qu’aller faire les courses, même avec mes lunettes de soleil, me faisait courir au shutdown. J’ai dû trouver des stratégies comme la livraison voire carrément commander au restaurant car mes fonctions exécutives bousillées provoquaient une forte fatigue dès lors que je cuisinais. Le seul moment où j’étais en paix, c’était quand j’étais chez moi ou dans la ville de nuit pour une promenade, où je passais en mode recherche sensorielle extrême.

Les sons

Les bruits, même schéma. Tout était devenu trop. Je ne supportais plus le brouhaha parisien ou les voitures dans la rue, je ne tolérais plus les soirées avec mes amis à plus de deux. Je continuais de m’y rendre occasionnellement par souci logistique, et j’explosais en meltdown à chacune de ces soirées. Un peu masochiste le Flo mais j’avais réellement envie de fonctionner. Je n’y arrivais tout simplement plus.

Le contact tactile

Le troisième sens qui fut le plus affecté, ce fut le toucher. Je ne tolérais comme contact plus que le câlin rituel avec ma meilleure amie, qui m’apaisait, et rejetais tout autre contact avec l’autre au point d’avoir des réactions très vives lors d’un contact imprévu (deux genoux qui se touchent, un tissu qui m’effleure). C’était là la grosse différence avec la dépression qui n’avait chez moi jamais eu cette forme d’hypersensibilités exacerbées.

Un exemple de vécu de chaos sensoriel

Je me souviens, dans une rue bondée, avoir enlevé mon casque en cherchant quelqu’un et m’être senti agressé. J’entendais la poussette rouler à 20 mètres de moi, les vêtements se froisser, les pas des piétons, les voitures, les gens qui parlaient de tous les côtés, les klaxons. Je ne distinguais plus aucun son, je ne filtrais plus rien. Je dis souvent que dans ce cas, mes sens entrent en éruption. C’est le moment le plus risqué pour moi si je ne me protège pas vite. J’ai donc enchaîné les crises autistiques pendant ce burn-out. Et la magie du burn-out, c’est que certaines de ses conséquences perdurent. Je n’ai jamais retrouvé pleinement mes sensibilités sensorielles de base, elles sont restées très amplifiées.

En bref, le burn-out a aiguisé des sensibilités déjà très tranchantes.

Des fonctions exécutives réduites 

Les fonctions exécutives, c’est toutes les fonctions cognitives qui servent à : planifier, inhiber (résister à une impulsion), basculer d’une tâche à une autre (flexibilité) et la mémoire de travail. Chez les personnes autistes (et à TDAH), elles sont fréquemment altérées (Comprendre l’Autisme). Lors d’un burn-out, elles se trouvent souvent très réduites, notamment car elles sont sursollicitées pour l’adaptation sociale.

Illustration d'un homme face à une panoplie de tâches désorganisées, il semble confus
Désorganisation des tâches, dysfoncions exécutives

La planification

La planification s’en trouve affectée, rendant chaque tâche urgente ou impossible à être effectuée. C’est ce que j’expliquais dans mon exemple au sujet de faire la cuisine : cela demande plusieurs tâches successives et quand la planification dysfonctionne, cela peut se transformer en défi cognitif et pousser la personne autiste à l’éviter.

Réduction de l’inhibition

La réduction de l’inhibition résulte en ces hypersensibilités que j’ai mentionnées mais également en la rupture du masque social : la personne autiste ne semble plus capable de compenser, cela l’épuiserait trop et le cerveau force cette perte de capacité pour se protéger. Rappelons que masquer un stim ou un rituel coûte de l’énergie à une personne autiste. En faisant ressurgir ces traits identitaires, le cerveau économise donc son énergie.

Plus forte rigidité

La flexibilité peut être réduite, se traduisant par une plus importante rigidité de la part de la personne autiste. Cela peut se manifester par des (violentes) crises autistiques (shutdowns ou meltdowns) au moindre changement de programme ou imprévu. Ce n’est pas un caprice : c’est une réaction neurologique pour se protéger.

La mémoire de travail

Enfin, la mémoire de travail. Affectée, la personne autiste peut être sujette à des trous de mémoire, à des difficultés pour travailler et comprendre une instruction orale. Elle pourra donc avoir besoin de support écrit plus marquant pour fonctionner au mieux. Ce point est déjà un trait caractéristique de nombreuses personnes autistes qui intègrent mieux une consigne écrite, mais il est plus marqué lors d’un burn-out autistique. J’ai d’ailleurs passé un test de QI pour mon diagnostic et mes résultats au subtest de la mémoire de travail se sont trouvés inférieurs à ceux que j’avais obtenus lors de mes tests passés 4 ans avant qui avaient résulté en mon identification de THPI.

Une fatigue extrême et des intérêts très spécifiques

Lors de mon premier burn-out, je ne faisais que trois choses majeures : dormir 16 heures par jour pour récupérer d’une charge cognitive qui n’en finissait plus, m’allonger sur mon canapé en regardant l’intégrale de Smallville — ancien intérêt spécifique dans lequel je me plongeais —, et lire des dizaines d’articles et d’études sur l’autisme. J’ai d’ailleurs tout de suite prévenu le corps médical qui allait me diagnostiquer que je commençais à en connaître beaucoup sur le sujet, par peur de biaiser les tests (spoiler alert: on ne peut pas biaiser tous les tests). De toute manière, j’étais plutôt dans un objectif de réussir les tests, les prenant comme un défi (spoiler alert 2: certains tests ont démontré que j’étais une plus grosse quiche que je ne le pensais en compréhension non verbale et en conventions sociales).

Mes intérêts spécifiques étaient la seule chose qui pouvait me rendre un peu de mon énergie dans ce chaos sensoriel et émotionnel. Le burn-out m’a drainé de toutes mes énergies. Je me sentais épuisé :

  • sensoriellement : déjà évoqué, j’étais à risque d’une crise pour le moindre rayon de soleil, donc j’évitais les sorties de journée
  • socialement : converser plus de 20 minutes pouvait me conduire au shutdown
  • émotionnellement : j’étais à fleur de peau h24
  • physiquement : me lever du canapé me demandait un effort considérable

C’est là aussi une différence avec la dépression, qu’il convient d’en comparer les symptômes.

Une confusion possible

Avec la dépression

Dans un épisode dépressif, la personne n’est pas seulement épuisée. Elle est en anhédonie, à savoir la perte de plaisir dans ses activités habituelles, ou la perte d’envie de s’y adonner. Dans le burn-out autistique, il n’y a habituellement pas cette perte de plaisir : il y a une perte de capacité. Ce n’est pas que la personne autiste ne veut pas faire, c’est qu’elle ne peut plus faire. Autism Speaks décrit plus en détails la différence entre dépression et burn-out autistique.

La dépression est un déséquilibre neurochimique alors que le burn-out autistique est d’origine neurologique. Le premier est un dérèglement, le deuxième est une réaction de protection. Le burn-out n’est également habituellement pas accompagné de tristesse ou de culpabilité comme définis comme critères de la dépression. On retrouve plutôt dans le burn-out autistique une anxiété, voire une forte frustration liée à cette batterie à plat qui empêche de fonctionner. Dépression = je suis nul, inutile. Burn-out autistique = je sature, je ne peux plus fonctionner.

Homme triste à gauche avec dévalorisation (dépressif) vs homme surchargé sensoriellement mais avec intérêts conservés (burn-out autistique)
Dépression vs burn-out autistique

La dépression se résout par la thérapie et parfois le traitement médical alors que le burn-out autistique requiert des aménagements de l’environnement pour éliminer les nuisances, un repli et un repos sensoriel, et une réduction du masking. Ce n’est pas une maladie, c’est une réaction neurologique qui nécessite de revoir son environnement pour progressivement en sortir.

Et avec le burn-out professionel

À ne pas confondre également avec le burn-out classique, lié à une surcharge au travail, une mauvaise reconnaissance de ses efforts dans le milieu professionnel, un stress chronique ou une pression hiérarchique. Là où le burn-out autistique affecte les aspects sensoriels, émotionnels, sociaux, cognitifs et physiques — le tout brutalement —, le burn-out classique se manifeste plutôt par un épuisement progressif et un épuisement notamment émotionnel et physique.

Le repos et une résolution de la source du burn-out permettent habituellement de sortir du burn-out alors que le burn-out autistique peut s’éterniser sur des semaines ou des mois même après avoir écarté le danger. Ce dernier nécessite de revisiter complètement son mode de vie et souvent une manière de compenser qui a été mise en place sur des années ou des décennies. Les fonctions exécutives sont également moins affectées dans le burn-out classique.

Femme qui croule sous la quantité de travail (burn-out classique) vs femme surchargé socialement et sensoriellement (burn-out autistique)

Pour aller plus loin, AdvancedAutism fait une liste des comparaisons entre burn-out classique et burn-out autistique, pour ceux que l’anglais n’effraie pas.

Les stratégies

Lors d’un burn-out autistique, il convient essentiellement de s’extirper des situations perçues comme un danger et probablement causes du burn-out. Stimmer, s’isoler, écouter son corps sont maître mots.

Il s’agit aussi de s’écarter des exigences externes et internes (comme le perfectionnisme que partagent une large part de la population autiste). L’essentiel est de se reposer, même si cela revient à dormir la majeure partie de la journée. Il faut aussi s’autoriser à ne rien faire et ne pas avoir de remords à ce sujet : le burn-out est une forme de besoin neurologique qui induit une incapacité à fonctionner pleinement.

L’après-burn-out

Même si j’évoquerai ce point plus en profondeur dans un article dédié, quelques mots s’imposent sur la sortie du burn-out, qui se fait habituellement de manière progressive (à contrario de l’entrée brutale). Le burn-out amène souvent à redéfinir ses limites, à mieux les comprendre et les exprimer, ce qu’il faut faire sans hésiter. 

Le burn-out se manifeste souvent par l’effondrement du masque social et parfois par un retour à ce masque une fois la crise passée. Ce qui peut amener à d’autres burn-outs. Il faut alors se rappeler que le burn-out est une réponse du cerveau pour signaler à la personne autiste qu’elle est arrivée aux limites du port de ce masque, et qu’il est souvent temps de se recentrer sur ses propres besoins que fonctionner à plein régime dans le paraître.

Chez certains, le burn-out se manifeste aussi par un coming-out autistique. Ça a été mon cas, informant progressivement mon entourage de mon autisme, toujours dans la peur du jugement. C’était un passage nécessaire pour une meilleure compréhension de moi-même et une plus grande acceptation.

Illustration d'une femme qui ouvre ses volets et d'une plante qui repousse (fin du burn-out)
Lumière qui rejaillit et plante qui repousse, espoir

En quelques mots, le burn-out autistique, c’est donc le signal d’alerte pour la personne qui le subit de cesser de se préoccuper de l’image qu’elle renvoie, de se tourner vers ses besoins internes et primaires et s’accepter. La crise peut générer une forte détresse émotionnelle et sensorielle, et c’est une réalité qu’il convient d’accepter lorsque l’on souhaite apporter son soutien à une personne autiste.

📋 TL;DR : Retenir l’essentiel

  • Déclenchement : surcharge prolongée + masking → cerveau à bout.
  • Nature : effondrement neurologique, pas un manque de volonté ni une paresse.
  • Symptômes : fatigue extrême, hypersensibilités, chute des fonctions exécutives, difficultés à faire même des tâches simples.
  • Ressenti interne : « je veux, mais je ne peux plus ».
  • Gestion : réduire attentes, limiter stimuli, autoriser repos profond et temps seul.
  • Récupération : lente, progressive, non linéaire — nécessite ajustements et nouvelles limites.

By Florent

Flo, developer and film enthusiast. Autistic and bipolar, I share my cycles, passions, and discoveries about neurodiversity here.

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