Femme avec un chat sur l'épaule devant le symbole infini multicolore représentant l'autisme

J’introduis aujourd’hui la catégorie « Spectres croisés ». L’objectif : laisser la parole à d’autres concernés. Spectres & Cycles n’a pas pour unique vertu de me laisser raconter toute ma vie, mais aussi de partager d’autres expériences, tout aussi incarnées, brutes, et sans retouches. J’ai donc proposé à mon amie Jeanne de prendre la parole pour vous expliquer en détail ce qu’est l’autisme au féminin et raconter son vécu. (Et je décline toute responsabilité quant à ses touches d’humour dans les titres, je lui avais bien demandé d’en mettre !)

J’aime à penser que mon esprit est formaté, est tout à fait conditionné par mon environnement, que je n’ai aucune forme d’emprise dessus. 

Il ne l’est pas seulement au monde extérieur, mais aussi et surtout chez moi à mon monde intérieur. Pendant longtemps, je n’écoutais ni ne prenais en compte ce dernier, qui, pourtant, fourmille d’informations en tout genre. 

La première fois que je pris conscience de la puissance des informations envoyées par mon corps à mon esprit fut lorsque je vomissais encore une fois dans la voiture familiale. 

Voyez-vous, malgré un nombre incalculable de trajets, d’années d’usure, ce véhicule conservait pourtant des relents d’odeurs de cuir neuf et de plastique, absolument insupportables à mon odorat sensible. 

De tout enfant ou adulte rencontré depuis, jamais je n’ai croisé de personne m’ayant fait part d’un souvenir similaire au mien : celui, douloureux, de trajets nauséeux et coûteux en énergie. 

Mes parents pensaient que je faisais mon « cirque », mes grand-parents qualifiaient plutôt cela de “cinéma” ; le champ lexical reste le même, et il est celui de l’imaginaire et du spectacle. Dramaturge dans l’âme, une enfant telle que moi ne pouvait que mentir et scénariser des vomissements afin de ne pas monter dans un destrier moderne l’amenant à des destinations inconnues. 

Petite fille à l'arrière d'une voiture qui se cache le nez à cause des odeurs, et un petit chat qui se cache derrière

Notre cher Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders cinquième édition (DSM-5) nous offre un critère de diagnostic dans le cadre de l’autisme, celui de la perception sensorielle altérée. Il peut se manifester par une hypo- ou une hypersensibilité sensorielle, celle-ci se référant à une réactivité accrue à des stimuli sensoriels tels que la lumière, le son, le toucher, le goût et l’odorat. 

Tout ceci, je ne le compris que bien tardivement…

Qu’est-ce que l’autisme au féminin ?

Qu’est-ce que le TSA ?

Le trouble du spectre de l’autisme (TSA) est une condition neurodéveloppementale qui se manifeste par des déficits persistants de la communication et des interactions sociales, ainsi que par le caractère restreint des comportements, des activités et des intérêts.

Il est aujourd’hui encore largement plus diagnostiqué chez les garçons dans les pays du monde entier, et ceci à un âge en général relativement précoce. 

Diagnostic tardif chez la femme

On peut légitimement se demander pourquoi les filles reçoivent un diagnostic plus tardif (plutôt à l’âge adulte lorsqu’il s’agit de TSA sans déficience intellectuelle), et pourquoi le ratio reste globalement de 1 fille pour 4 garçons autistes

Médecin avec une carte déboussolé qui cherche l'autisme au féminin. Un petit chat lui pointe la bonne carte.

Plusieurs hypothèses sont à relater. La première réside dans nos gènes : en effet, le sexe féminin serait génétiquement protégé des mutations ou différences biologiques causant la condition particulière qu’est l’autisme. Il faut donc, pour qu’elle se manifeste, qu’il y ait un cumul plus important de facteurs de risques génétiques ou environnementaux réunis que pour un garçon.

Une éducation différente selon le genre

Les manifestations cliniques sont également à prendre en considération dans le cadre d’un diagnostic clair et complet : elles sont sensiblement différentes de celles de leurs pairs masculins.

On remarque que déjà très tôt, les petites filles sans déficience intellectuelle ni retard de langage comprennent intellectuellement certains aspects de la sociabilisation, et compensent leurs lacunes en copiant et en mimant parfaitement leurs proches (bien sûr, l’intuition n’y a pas sa place, il s’agit bien là de copie pure, sans compréhension des sous-entendus et interprétations possibles). Cela est probablement dû à une éducation qui pousse les filles à se tourner vers les autres, à faire attention et prendre soin d’autrui.

Stéréotypes

Les comportements stéréotypés sont aussi plus visibles chez les garçons que chez les filles, et plus envahissants. 

Comorbidités

Les apparitions de troubles associés sont plus voyantes, plus spectaculaires pour les personnes de sexe masculin (TDA/H, troubles du comportement et de l’opposition avec colères fréquentes, agitations, cris et larmes), quand ceux des femmes ont tendance à être plus internalisés (troubles alimentaires, dépression, anxiété). Ces apparitions peuvent cacher le diagnostic d’autisme à tout âge, d’autant plus avec des critères malheureusement toujours basés selon les hommes et axés pour eux.

Lubies

Un point important à noter est que les filles ont aussi des intérêts dits restreints (qu’on appellerait passion dans le cas d’une personne alliste), mais comme ils sont généralement plus socialement acceptables, on n’y voit qu’une lubie légèrement accaparante plutôt qu’un problème débordant dans toute sphère de la vie de l’enfant.

Espoir

La distinction est donc notable : les comportements, stéréotypes, désirs, manifestations externes des femmes sont sensiblement différents de ceux des hommes.
Je ne poserai pas ici la question de pourquoi un diagnostic différenciel n’existe pas à ce jour, bien que j’ai mon avis sur la question.
J’espère, mais je pense avoir bon espoir sur le fait que les femmes aient leur propre panel de questions, qui leur permettront d’être mieux reconnues avec leurs particularités et leurs difficultés bien spécifiques.

Mon parcours

Définitions :
CRA : Centre Ressources Autisme
CMP : Centre Médico-Psychologique

Mes 20 ans

À 20 ans je subissais une épreuve que très peu de gens connaissent à cet âge-là : la perte de mon fiancé.

Cet événement m’a permis de pouvoir prendre le temps de me recentrer sur moi et sur mes envies. Je réalisais alors des tas de choses dont je n’avais jusqu’alors pas eu conscience, car je ne prenais pas le temps de les analyser. 

Les gens ne me connaissaient pas. Autour de moi, mes proches, ma famille avaient une image que j’avais créée, mais qui ne me ressemblait en rien : celle d’une fille aimable, assez bavarde et enjouée, qui remplissait le rôle parfait qu’on lui avait prescrit — s’habiller comme une jeune femme, s’épiler, se maquiller, étudier les lettres et détester les mathématiques, aimer faire la fête, sortir, ne pas trop parler, écouter, surtout, connaître les derniers potins, et j’en passe. 

Mon adolescence

À 15 ans, j’aimais bien les mathématiques, mais j’ai vite compris que ce n’était pas assez cool. Je voulais m’intégrer, alors j’observais, j’imitais, et je rentrais chez moi le soir épuisée et en larmes. 

Fille adolescente caméléon (tête de caméléon) avec son chat caméléon au milieu d'adolescents en noir et blanc autour d'une table
Adolescente qui tente de se camoufler sans succès

Ça ne marchait jamais : je faisais honte. Je criais trop fort, je parlais comme une enfant, j’étais « trop ». 

Mon adolescence mais en plus jeune

À 12 ans, j’aimais m’habiller en rose ; c’était la quintessence de la honte. J’ai été harcelée pour cela, car de la tête au pied j’étais vêtue couleur barbe à papa (le sac, les sous-vêtements et la barette aussi bien sûr). 

Mon enfance

À 6 ans j’étais seule dans la cour de récréation. Les autres ne voulaient pas jouer avec moi, personne ne m’a jamais accueillie. J’ai haï une fille de ma classe qui, l’année qui suivi celle de mon arrivée, a eu droit à un véritable tapis rouge comme cadeau de bienvenue (c’est une image, le tapis rouge n’a jamais existé. Simplement, elle fut extrêmement bien incluse en quelques heures, quand je n’ai jamais réussi en plusieurs années, sans savoir pourquoi). 

Normiland

Ces récits semblent anecdotiques, mais ils ont façonné la personne que je suis devenue : une jeune femme lisse, avec des aspirations et des problèmes liés à son âge et à la façon de penser qu’on attendrait d’elle.

La révélation

Jusqu’à ce que je décide de tout remettre en question : pourquoi avais-je des crises de larmes si fortes avant et après chaque événement social, chaque journée de travail, chaque action paraissant anodine ? Pourquoi ne savais-je pas quoi dire ni quoi faire lorsque j’avais un différend avec quelqu’un, et pourquoi me disait-on alors que je semblais comme réciter un discours dénué de toute émotion quand je tentais en vain de régler le problème ? 

A l’heure actuelle, je me questionne encore : que se disent donc les gens lorsqu’ils se rencontrent, et pourquoi finissent-ils par dire s’apprécier alors qu’ils viennent de se rencontrer et – de ce que je perçois – de se quereller avec tant de véhémence ?

Rain Man

Plusieurs personnes m’avaient déjà parlé d’autisme, on m’avait même comparée à Raymond Babbitt (pour celles et ceux qui ont la réf’, non, je ne peux pas connaître le nombre exact d’allumettes tombées au sol en une fraction de secondes).

Les CRA

Dans cette remise en perspective de mon être, je décidais de contacter des spécialistes sur le sujet : j’ai donc appelé le CRA le plus proche de chez moi. Après plusieurs mois d’attentes, plusieurs tests et de nombreuses questions laissées en suspens, arriva le jour de la restitution : j’étais donc bien autiste, qualifiée d’autiste à haut niveau de fonctionnement type Asperger.

J’ai mis énormément de temps à y croire. Je ne pensais pas être autiste, pas alors que j’étais si « normale »  (du moins le croyais-je). 

Les CMP 

Des années plus tard, après un énième boulot me prenant tant au niveau énergie qu’angoisses, je décidais de suivre une psychologue, qui me dirigea sans hésitation vers un CMP ; là-bas, je leur expliquais : j’étais en 24 heures (plus d’heures me sont difficilement supportables, pour avoir testé), avec une équipe limitée en nombre et bienveillante, pourtant je dormais plus de 10 heures par nuit, je m’écroulais de fatigue en rentrant chez moi, je faisais beaucoup de crises d’angoisses et il m’arrivait de devoir quitter une salle bondée pour aller pleurer, ce qui faisait jaser autour de moi.
Avec détermination, et après plusieurs rendez-vous, ma nouvelle psychiatre me conseilla d’aller me faire diagnostiquer pour un autisme auprès d’un CRA.

Je lui parlais de celui que j’avais déjà reçu, et de là furent mises en place des aides appropriées à mon cas. 

Quelles sont mes spécificités ?

Adage

Comme dit l’adage : « lorsque vous rencontrez une personne autiste, vous rencontrez une personne autiste » ; cela signifie que chaque personne autiste est différente. 

Nos intérêts ne sont pas tous liés aux petits trains et aux dinosaures, nos sensibilités sensorielles diffèrent aussi, ainsi que nos rapports aux autres.

Communication

Ce qui m’a longtemps fait croire que je ne suis pas autiste est la facilité avec laquelle j’arrive à converser avec le monde (du moins, c’est ma croyance). J’ai rencontré une fille autiste qui ne connaît pas la honte de ses passions, ne connaît pas le script qui lui permettrait de savoir quelle question poser à qui et à quel moment. Je suis douée à cela (du moins, c’est encore ma croyance), et je cache soigneusement ce que je chéris et pourrais être pointé du doigt, moqué.

J’ai vécu dans ce monde en apprenant une chose essentielle : les gens adorent parler d’eux, et se satisfont de conversations très basiques ; tout cela n’est en rien une critique. Il a été démontré que ce qu’on appelle en anglais les small talk sont en fait très utiles pour créer un contact, se rapprocher, et créer des liens. Très grossièrement, les chiens se sentent l’anus, les chevaux font ce qu’on appelle le grooming, les bonobos partagent un repas et (oui) font une partie de jambes en l’air ; eh bien, nous, on parle. De rien d’important ? Ce n’est pas grave. 

Femme au milieu d'autres gens qui discutent (small-talk) qui pense en réalité à ses chats

J’ai compris cela assez tôt, j’étais adolescente. Je regardais beaucoup les postures des gens, j’imitais leurs expressions le soir, devant mon miroir.

Avec tous ces éléments en poche présentement, il m’est très facile de paraître tout à fait alliste (toujours ma croyance !). 

Sensibilités sensorielles

Je ne sais pas si cela rentre en compte, mais une amie m’a récemment fait la remarque que mon curseur, d’un point de vue pris en compte des informations, était extrêmement bas. Il me suffit d’entendre plus de deux questions à la suite et mon cœur se met à battre très vite, mon cerveau disjoncte et je ne sais plus que répondre. Je bégaie alors, je ne me rappelle plus comment aligner trois mots.

Odorat

Hormis cela, j’ai un excellent odorat, doublé d’un sens gustatif aux antipodes du premier. 

Je m’explique : je peux sentir des odeurs que personne autour de moi ne perçoit, jusqu’au vomissement si elles sont persistantes et très dérangeantes. 

Ceci constitue aussi un atout : je serai la première (parfois la seule) à sentir une odeur de gaz, de brûlé, de cadavre de souris ou de pipi de chat.

Femme qui se pince le nez à côté d'un chat qui a fait pipi

Goût

Gustativement parlant, c’est l’inverse : je pourrais manger n’importe quoi, même un œuf pourri, que je ne m’en apercevrais pas. Je fais très attention à mon alimentation, cela dit, mon ventre est très fragile (aucune étude fiable n’atteste pour l’instant d’un lien de corrélation entre TSA et soucis digestifs, pourtant je ne crois pas être la seule à devoir être extrêmement prudente sur ce que j’ingère au quotidien).

Tactile

Je ne ressens pas le mordant glacial d’un vent hivernal, mais je garderai plusieurs jours la sensation d’une tape sur mon épaule. 

J’adore que l’on m’enserre, mais je ne peux être frôlée sans crier. Je ne peux pas porter de collants ni de chaussettes, et, comble de l’horreur, de pull en laine. Je serai écolo plus tard, le plastique me sauve la vie.

Vue

Longtemps je pensais que les enfants appuyaient comme moi leurs doigts très fort sur leurs yeux pour voir la lumière briller derrière leurs paupières.
Je croyais aussi partagée ma
fascination pour la lumière des lampadaires, et celle, majestueuse, du soleil (avant que l’on ne me dise que ça rendait aveugle).

Ouïe

Mes oreilles entendent merveilleusement bien, je reste abrutie par trop de stimulis et peux ne plus comprendre mon interlocuteur, pourtant juste en face de moi, dans un environnement avec trop de bruits. 

Je suis alors obligée de lire sur les lèvres, ce qui a valu de mauvaises interprétations de la part de certaines personnes avec qui je conversais, suivies de moments très gênants.

Il suffit d’un bruit constant et répétitif pour me rendre tarée, aussi, éteignez vos machines électroniques ainsi que vos horloges et fermez bien vos robinets et vos fenêtres si vous êtes en campagne (pour l’alyte accoucheur) avant de m’inviter chez vous, merci bien.

Jauge des hypo et hypersensibilités sensorielles (avec un petit chat qui dépasse)

Intérêts restreints

J’ai longtemps cru n’avoir aucune passion, aucun intérêt dit ‘restreint’.

Mes chats

Il m’a suffit de comprendre que j’en avais en discutant avec mes proches : je parle constamment de chats. Il m’arrive de me spécialiser dans d’autres mammifères (j’ai aussi eu mes périodes insectes, oiseaux et lézards), mais les chats sont et ont toujours été pour moi une source de bien-être constante. Je n’aime pas seulement les caresser : je peux passer des heures entières à les observer, tenter de les comprendre, les analyser, et m’adapter à eux afin de fluidifier au maximum notre entente mutuelle interespèce (ainsi que pour mon propre plaisir).

Note de Florent : Je peux attester — Dr. Jeanne a déjà passé une heure au téléphone avec moi à disséquer les comportements de Minette, ma chatte, pour tenter de comprendre pourquoi elle faisait pipi sur mon égouttoir (la coquine). Une vraie pro des petits félins.

Chats 

Je n’ai jamais compris les gens qui pouvaient regarder des matchs de football pendant plusieurs heures d’affilée, ou encore celles et ceux qui aiment voir un concert, ou observer la nature, les paysages. Je m’ennuie très vite. Mais posez-moi devant un ou plusieurs chats, et je ne verrai pas le temps passer (j’ai déjà été étonnée par ma propre capacité à rester immobile très longtemps devant des êtres eux-mêmes figés face à des volatiles toujours aussi statiques).

J’aime la lecture, et tout sujet qui tourne autour du vivant et de la psychée, de l’éthologie ou de la psychologie. 

Dessin avec beaucoup de chats en noir et blanc

Les chats

Si l’on débute une conversation sur un thème, mettons, quelle taille ferait l’œuf d’un lézard, je finirai invariablement par détourner ce sujet-ci vers l’un de mes favoris, par pure envie de partager ce qui me fait vibrer (même si ça nous fait passer du « coq à l’âne »).

Les émotions

Colère

Une question me fut posée durant mon diagnostic : « Que ressentez-vous quand vous êtes en colère ? ».
J’ai répondu que je ressentais comme une forme d’euphorie, que je me sentais forte et invulnérable. 

Tristesse

Mais je n’ai pas compris la question : je ne suis pas considérée comme une personne colérique. Vive, oui, bougonne, ça m’arrive, angoissée, bien entendu, mais colérique, jamais l’on ne m’a qualifiée ainsi. 

[Je pense que cette question est basée sur des analyses faites sur les garçons et hommes autistes, plus souvent représentés en train de faire des crises de colère prodigieuses.]

Joie

Par contre, j’ai toujours été dans les extrêmes, émotionnellement parlant. Toute personne me côtoyant un tant soit peu fini par le reconnaître. 

Je ne l’externalise pas forcément, mais je ressens très fortement chaque émotion qui me traverse, sans filtre, et j’ai longtemps été qualifiée de « trop sensible ». 

Dégoût

Ceci est expliqué par la science : toute personne autiste a des difficultés de régulation émotionnelle, et présente souvent une variabilité plus forte de l’humeur. 

Cela peut être expliqué en partie par une amygdale (région du cerveau impliquée dans la détection et l’intensité des émotions) plus réactive ou moins bien régulée.

Les pics émotionnels surviennent rapidement et intensément. D’un point de vue extérieur, on peut les percevoir comme disproportionnés par rapport à la situation.

Chaque émotion est perçue plus intensément, mais met en outre plus de temps à redescendre. Les circuits de régulation (cortex préfrontal) fonctionnent différemment. 

Peur

Cumulées avec des sensibilités sensorielles accrues, il m’est arrivé de nombreuses fois de faire des crises de larmes inexpliquées après une journée de travail, comme évoqué plus haut. Je sais aujourd’hui qu’elles sont nommées « décharges émotionnelles » (shutdown ou meltdown), et permettent à mon corps de se réguler après avoir contenu toute une journée des émotions et sensations fortes. 

Femme en décharge émotionnelle avec un nuage remplie d'un éclair au-dessus et un petit chat qui l'apaise

Inside out

Certaines études suggèrent une hyper-empathie chez les femmes autistes. Je ne sais si cette partie-là me concerne tant je peine à ressentir la douleur d’autrui. Je la comprends, je compatis très fort avec, mais souvent, je panique face à cela sans savoir tout à fait comment réagir. 

J’ai dû apprendre avec le temps et les moyens du bord (merci, les livres et internet).

Un livre sur le consentement m’a particulièrement été utile, et je suis prête à vous partager mes conseils personnels sur comment agir quand une personne est en détresse. 

Déjà, considérez que la personne n’est pas apte à réfléchir. Elle ne sait pas ce qu’elle veut, seulement ce qu’elle ne veut pas. Ne lui forcez pas à vous faire un câlin, par pitié. 

Proposez-lui plusieurs options : chocolat chaud, paroles réconfortantes, régler le problème ensemble, du silence, appeler un/une amie, jouer avec un de ses chats, écouter de la musique, faire un câlin. 

Elle saura vous diriger vers ce qu’elle aime le mieux, croyez-en mon expérience. 

Vice-versa pour les Francophones

Mon « manque » d’empathie est une arme que j’apprécie tout particulièrement maintenant que je connais les outils pour bien accompagner chaque être vivant empli d’affliction. 

Il me permet de garder un pied sur terre, de faire preuve de sympathie (définition : participation à la joie, à la peine d’autrui), sans pour autant me fondre dans une souffrance et d’en faire la mienne.

Conclusion

Je suis une femme

Je suis une femme, et quand je vois d’autres proches autistes, je me rends compte d’à quel point « haut niveau de fonctionnement » est pertinent dans mon cas. 

J’arrive habilement à parler de choses qui m’intéressent tout en suscitant la curiosité de mon interlocuteur, mon éducation purement féminine m’a permis de me pencher sur des centres d’intérêts socialement acceptables et je reste fortement à l’écoute d’autrui, comme on me l’a appris ; mes capacités cognitives constituent un atout incontestable : j’ai pu apprendre assez vite à m’adapter, et me fondre dans la masse est devenu pour moi une seconde nature, au point que je ne savais même plus qui j’étais, ni ce à quoi j’aspirais. 

Je suis autiste

Je suis aussi autiste, et même si cela n’est pas toujours visible, cette condition particulière me rend vulnérable aux environnements bruyants et chargés de monde, aux odeurs pestilentielles, aux troubles digestifs, à la fatigue, aux blocages mentaux, aux faux-pas sociaux, et à une forme d’immaturité émotionnelle. 

Mais je suis surtout, et avant tout, moi.

C’est un handicap, certes, mais cela fait de moi qui je suis, et pour rien au monde je ne souhaite un fonctionnement différemment du mien : je ne pourrais plus aimer mes chats comme je les aime ! 

Femme heureuse entourée de chats

📋 Ma bibliographie sur l’autisme

  • La fille pas sympa : La vie chaotique et turbulente d’une jeune autiste Asperger – Julia March
  • L’Aspinaute : Une Asperger en voyage sur Terre – Laura Bresson
  • Asperger et fière de l’être – Alexandra Reynaud
  • L’autisme au féminin – Adeline Lacroix

Sources :

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